Les enfants de 1914 sont aussi les enfants du siècle : adultes en 1940, aïeux en l'an 2000, leur histoire est celle d'une génération, la " génération Grande Guerre ". Retrouver la trace d'une parole enfantine sur la Première Guerre mondiale, telle est l'ambition de ce livre. L'enjeu est avant tout de méthode : contribuer à une histoire de l'enfance qui ne soit plus celle des discours et des représentations élaborés par des adultes, mais bien une histoire de l'expérience enfantine, où les enfants sont désormais envisagés comme une génération d'acteurs, d'observateurs et de témoins à part entière. Autrement dit, se placer à hauteur d'enfant. En s'appuyant sur un corpus d'archives largement renouvelé, à partir de dessins d'enfants, de journaux intimes, de lettres et de témoignages oraux, cette étude met au jour pour la première fois ce qu'est la vie pendant la guerre au XXe siècle : invasion et occupation, privations matérielles et stratégies d'endurance, privations affectives et réinvention de la figure du père.
Prix Louis Cros 2008, décerné par l'Académie des sciences morales et politiques.
MANON PIGNOT
Ancienne élève de l'École normale supérieure de Fontenay/Saint-Cloud, Manon Pignot est maître de conférences en histoire contemporaine à l'université de Picardie, membre du Centre d'histoire des sociétés, des sciences et des conflits et du Centre de recherches de l'Historial de la Grande Guerre de Péronne.
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Tout au long du XXe siècle, les enfants ont été victimes des guerres et des génocides. Perdus lors d'une évacuation ou de déplacements forcés, restés seuls après la mort de leurs parents, arrachés à leurs proches dans le processus génocidaire, beaucoup ont vécu la séparation, brutale et souvent définitive, d'avec leur famille.
Les millions d'orphelins de la Grande Guerre, puis l'innombrable cohorte d'enfants abandonnés, déplacés et réfugiés, errant dans l'Europe de la Seconde Guerre mondiale, ont tour à tour conduit, non sans controverses et difficultés, à l'invention de nouvelles formes de prise en charge associative, étatique ou internationale.
À travers cette figure du " sans famille ", ce livre propose une exploration des conflits à hauteur d'enfant. " Sans famille " ne signifie pas nécessairement " sans personne ", et les auteurs et autrices étudient également le rôle des fratries, des parents de substitution, des services sociaux ou des groupes de pairs, qui, à des degrés divers, peuvent prétendre recréer un foyer. Ils interrogent plus largement ces expériences enfantines, depuis le temps de la séparation jusqu'aux traces, parfois traumatiques, laissées par ces événements.
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À l'heure où s'achève le centenaire de la Première Guerre mondiale, deux historiens se penchent sur le destin d'une petite fille extraordinaire née en 1908 dans une famille de la grande bourgeoisie parisienne.
Cette petite fille, c'est Françoise Marette, "Vava" pour les intimes, et elle deviendra Françoise Dolto, la psychanalyste qui a changé le regard que nous portons sur l'enfance. Comme beaucoup d'enfants nés peu avant le conflit, Françoise vit la guerre de loin, repliée à Deauville en compagnie de ses frères et soeur et de leur gouvernante. À six ans, déjà épistolière de talent, elle multiplie les missives à tous les membres de sa famille.
Ainsi, dit Manon Pignot, historienne de l'enfance, dans sa délicate analyse, 'la guerre a fourni à cette petite fille incroyablement curieuse un contexte inattendu d'expression et d'intelligibilité du monde' qui est à l'origine de sa vision révolutionnaire de l'enfance. L'implication de l'enfant s'intensifie quand elle entretient avec Pierre Demmler, son oncle de vingt huit ans, une intense correspondance et se considère, encouragée par la famille, comme la fiancée et la future épouse du jeune capitaine. La mort au front, le 10 juillet 1916, de Pierre Demmler, fait de la jeune promise "une veuve de guerre à sept ans".
Yann Potin, en historien et analyste des archives familiales, ouvre pour nous enveloppes et albums conservés par Françoise et la famille, interroge "la manière dont le deuil se cristallise, se fixe sur le papier, par les images, mais aussi se transmet malgré nous, par le truchement de la vie matérielle propre d'autant de petits reliquaires affectifs".
Ainsi, l'expérience enfantine de la Grande Guerre a vraisemblablement nourri la pensée révolutionnaire de Françoise Dolto psychanalyste quand il s'est agi, plus tard, de soigner des enfants.
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